
A l'affiche : Marie Lerouge
1 – Marie, tu as écrit près de vingt ouvrages de romance, avant de te lancer dans la série
des Mystères de Chatton Green, comment te définirais-tu comme autrice ?
Je me considère comme une autrice éclectique. C’est vrai que j’ai commencé à publier dans le
genre de la romance, il y a plus de dix ans, chez Harlequin qui cherchait des auteurs
francophones. Mais en devenant indépendante, je me suis éloignée des genres bien définis. Il
y a du suspense dans certaines de mes comédies romantiques comme Comment ne pas
épouser un millionnaire, par exemple. Pataquès amoureux en Patagonie est un road trip plus
généraliste. Et demain tout ira bien est une comédie romantique qui me permet d’explorer le
thème de la greffe du cœur. Dans Chéri, occupe-toi du bébé, je m’amuse avec le thème de la
parentalité. Quant à ma nouvelle série policière, elle est pimentée d’une touche de
romantisme.
Mais s’il y a un point commun dans les titres de mon catalogue, c’est celui de l’humour.
2 – L’épineux guêpier des chênes verts est le 4 ème tome de la série des Mystères de Chatton
Green, avais-tu prévu dès le début d’aller au-delà d’une trilogie ou te laisses porter par
tes personnages et ton inspiration ?
Avant de me lancer dans cette série, je m’étais toujours dit que je n’en écrirais jamais, par
crainte de me lasser. Comme quoi, il ne faut jamais préjuger de rien. Mais le genre policier se
prête bien à la série, et je me suis prise au jeu par attachement aux personnages principaux
pour commencer. Je trouve passionnant d’explorer leur personnalité et de revenir sur leur
passé au fil des tomes. Et puis ce genre permet d’aborder de nombreux thèmes différents : la
famille, les rapports de voisinage, la vie en société, l’argent, l’amour…
Donc, je n’avais rien prévu du tout. Je me laisse porter par mon envie et mon inspiration. Il y
aura certainement un tome 5, mais au-delà, je ne sais pas, car je n’aime pas planifier.
3 – Sans révéler trop de détails, peux-tu nous en dire plus sur cette nouvelle aventure de
l’inspecteur Bentley ?
Le cadre de cette histoire est une résidence pour seniors aisés dans laquelle, comme le dit
l’une des protagonistes, la vie n’est pas un long fleuve tranquille, contrairement à ce que l’on
croit. Deux morts suspectes à quelques jours d’intervalle vont obliger la police à intervenir.
Mon cher inspecteur, qui a la quarantaine bien sonnée, va se trouver confronté à un monde qui
lui fait peur : celui de la vieillesse. Il s’engage à reculons dans l’enquête tandis que plane la
menace d’un tueur en série. Heureusement que son entourage va s’impliquer dans la
résolution du mystère. Son jeune adjoint, pour commencer : l’ambitieux sergent Lindsay
Jones. La journaliste locale, Janet Wilkinson, toujours à l’affut du scoop. Sans oublier un trio
de vieilles dames indignes adeptes du Cluedo, dont je me suis régalée à écrire les dialogues.
J’avoue que ce thème m’a été inspiré par le séjour de ma mère dans une résidence de ce genre
pendant quatre ans. Par chance, aucun tueur n’y a sévi, mais quelques-unes des anecdotes de
l’intrigue sentent le vécu.
4 – Qu’est-ce qui t’a poussée à explorer un nouveau genre et à t’adresser à un nouveau
public ? Ta manière d’écrire a-t-elle changé pour autant ?
Ça faisait longtemps que mon entourage me demandait pourquoi je n’écrivais pas de romans
policiers. Je répondais invariablement que je ne me sentais pas capable d’élaborer des
intrigues crédibles. Et puis, j’ai retrouvé au fond d’un tiroir un journal écrit quand je vivais en
Angleterre dans une petite ville de la ceinture verte de Londres, à la fin des années 90. Il y
avait tellement d’anecdotes que j’ai eu l’idée de les exploiter à la manière d’un cosy mystery.
Cette petite ville allait devenir Chatton Green. Dans le tome 1, La Vengeance du corbeau, je
me suis même mise en scène dans le personnage de Margot, la Française qui s’installe dans
Park Avenue avec sa petite famille. Certains de mes voisins de l’époque ont inspiré des
personnages. Dans le tome 2, La Ronde macabre des moutons noirs, l’école où se déroule une
partie de l’intrigue ressemble beaucoup à celle dans laquelle allaient mes enfants. Cela dit, au
fil des tomes, je m’éloigne peu à peu de cette matière personnelle.
Quant à ma manière d’écrire, elle n’a pas changé pour autant, avec toujours l’humour en ligne
de fond et un style classique qui colle bien avec le côté vintage de la série.
5 – Qu’est-ce qui te plaît particulièrement dans l’écriture de cosy mysteries ? Et qu’est-
ce qui t’amuse le plus lorsque tu mets en scène des passages chargés de suspense ?
Je dois d’abord préciser que la série relève plutôt de la comédie policière que du genre cosy
mystery au sens strict, car mon enquêteur principal est un inspecteur de police. Mais le reste
des codes du genre s’y trouve : petite ville, ambiance cosy, intervenants amateurs dans les
enquêtes, thé et café à gogo, légèreté et humour toujours.
Ce que j’aime dans l’écriture de ce genre (comme dans celui de mes comédies romantiques
d’ailleurs), c’est alterner les scènes où l’émotion est à son comble avec des scènes plus
légères pour relâcher la tension. J’essaie aussi, à la fin de certains chapitres, de placer des
cliffhangers pour entretenir le suspense.
Autre avantage du cosy par rapport au polar classique : on peut se permettre d’être moins
strict quant au respect et à la description des procédures policières par exemple, même si par
déformation professionnelle (j’ai été journaliste dans une autre vie), je procède à beaucoup de
vérifications.
6 – Comment parviens-tu à bâtir des intrigues aussi captivantes ? As-tu une idée précise
de tous les rebondissements dès le début, ou est-ce que l’histoire se construit
progressivement au fil de l’écriture ?
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Je ne suis pas assez organisée ni patiente pour tout planifier. Au départ d’une intrigue, je
connais le cadre principal, les lieux où elle va se dérouler (dans le tome 4 par exemple, je
voulais emmener Bentley à Paris), le crime et le coupable, mais pas toujours le mobile.
L’histoire se construit progressivement autour de ces éléments à partir des réponses possibles
aux questions que je me pose : pourquoi ? qui ? où ? quand ? comment ?... En fait, j’aime me
surprendre moi-même avec des idées qui surgissent inopinément. Quand j’estime que
l’intrigue se tient, je reviens en arrière pour semer les indices, insinuer de fausses pistes ou
inclure de nouveaux rebondissements. Je tiens aussi compte des remarques et des suggestions
de mes bêta-lectrices et de ma correctrice pour enrichir le texte.
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7 – A-t-il été difficile de basculer dans un autre genre littéraire ? Penses-tu revenir à la
romance dans un avenir plus ou moins proche ?
Le « basculement » s’est fait simplement parce que j’en avais envie et que, comme je l’ai dit
plus haut, ça n’a pas changé grand-chose à ma façon d’écrire ou aux sujets que je traite parce
qu’ils me tiennent à cœur ou sont dans l’air du temps.
Quand je me suis lancée dans la comédie policière en 2023, j’avais l’impression d’avoir
épuisé mes idées de romances et de tourner en rond. Aujourd’hui, ça revient me titiller.
Un projet de recueil est en cours avec un groupe de romancières, pour la fin de l’année. Ce
sera peut-être l’occasion de revenir à la romance, ou pas. On verra.
8 – L’inspecteur Bentley a su conquérir le cœur de nombreux lecteurs et lectrices au fil
des tomes. As-tu déjà imaginé la suite de son parcours ? Peut-on espérer le retrouver
dans une future aventure ?
Je ne peux pas quitter mon cher inspecteur aussi brutalement, d’autant que la fin du tome 4
annonce l’ouverture d’un nouveau chapitre de sa vie personnelle que j’ai hâte de mêler à une
enquête annoncée par la voix de son adjoint. Elle se déroulera dans un univers très british que,
grâce à mon mari anglais, je connais bien depuis longtemps. Aux lecteurs perspicaces de trouver.

